Pour le Qatar qui, malgré sa petite taille (11 500 km2), a su imposer son entregent diplomatique sur la scène internationale, les récentes indiscrétions du Guardian ont eu un effet dévastateur. Depuis que le quotidien britannique a révélé que les ouvriers népalais employés sur les chantiers du Mondial de football de 2022 étaient victimes « d’esclavagisme moderne », l’émirat subit un tir nourri de critiques (Al-Arabiya). Il faut dire que les faits sont accablants : entre le 4 juin et le 8 août, au moins 44 d’entre eux auraient péri du fait d’attaque ou d’insuffisance cardiaque ou d’accident sur leur lieu de travail. Une « hécatombe » liée à des « conditions abominables », et dont nul ne sait où elle s’arrêtera. « Combien de morts sont-ils acceptables pour assurer le plein succès d’une coupe du monde ? Mille ? Deux mille ? Quatre mille ? », lance crûment Le Temps. Sous pression, la Fédération internationale de football (FIFA), qui a exprimé sa « préoccupation », devrait évoquer le dossier qatari jeudi et vendredi lors d’une réunion à Zurich. Bien qu’elle ne soit « pas encore sur la table », l’hypothèse de dessaisir le Qatar de l’organisation du Mondial – dont Business Insider pense qu’elle ne peut que conduire au « désastre » – n’est pas écartée. Dans un entretien à la Deutsche Welle, Tim Noonan, de la Confédération syndicale internationale, fustige le système de la kafala (liant le travailleur parrainé à son garant local, qui peut l’empêcher de quitter le pays) et exhorte Doha à amender son droit du travail. Pour Nicholas McGeehan, chercheur à Human Rights Watch, cité par The Voice of Russia, il s’agit de « volonté politique ». Et le Guardian de conclure : « Le nouvel émir, cheikh Tamim, a tout à gagner à adopter une ligne intransigeante sur le respect des droits des travailleurs. Nul besoin d’une boule de cristal pour deviner ce qu’il adviendra s’il ne le fait pas. »
=== Article copié du journal Le Monde.fr du 30 septembre 2013 ===