Mise au vert

J’ai toujours pensé que s’évertuer à essayer de faire pousser contre-nature gazon, arbustes et arbres était un simple $igne à destination des autres. Gabegie d’eau dans un pays où la moindre goutte d’eau est produite à partir d’eau de mer désaliniée. Je serais curieux de connaître le bilan carbone d’un brin d’herbe ayant survécu, après la tendresse de l’hiver, au napalm estival.

A défaut d’être un $igne de ce type, cela peut éventuellement être un sϾgne de ce type-ci car la couleur verte est associée au paradis dans l’Islam. Un sϾgne de dévotion qui finit bien par rejoindre cet autre $igne, à force de vouloir être plus vert que son voisin.

Mais en fait, après plus de six mois passé ici, je me laisse à penser que ces touches de vert qui parsèment le sable jaune du désert sont plus des repères. Des repères visuels, temporels, olfactifs, auditifs, tactiles. Des marqueurs.

Quand on est un peuple qui vient du désert, le vert c’est l’oasis, la vie. Comme un marin perché en haut de sa vigie à la recherche d’une terre émergée, le caravanier, du haut de sa dune ou de sa monture scrute l’horizon à la recherche de son oasis, prochaine escale, son petit « feu vert » pour un espace de vie.


En occident, le « vert » fait partie de notre environnement quotidien : jardins, parcs, forêts… On ne se pose pas la question. C’est là, tout autour de nous. Intrinsèquement là. Tout simplement là.

Eh bien voilà, après une cure de désert, cela manque. Car dans le fond, le vert c’est la nature, la vie. Les saisons sont notre marqueur temporel, avec elles, les odeurs, les couleurs,…, la vie.

Qui n’a pas en mémoire un arbrisseau planté dans un jardin, et qui, saison après saison, grandit, déploie ses bourgeons que l’on scrutait avec impatience, fleurit, donne ses premiers fruits et ainsi de suite, jusqu’à finir, un jour par tirer sa révérence en nous pinçant le cœur car avec lui s’arrachent du fin fond de notre mémoire ces souvenirs enfouis dont il était l’inconscient catalyseur. Et lorsqu’il nous survit, il devient un trait d’union entre les générations, une mémoire.

Le désert est jaune. Jaune, la couleur du Soleil, de la vie. Jaune et vert sont liés. Sans jaune, pas de vert. Les deux ensembles font le bleu. L’eau. La vie.

Mais dans le désert, le jaune n’est pas couleur Soleil. Il est pâle, monotone, morose. Le désert ne rime pas avec vie. Pas de repère, le sable est meuble, les dunes se déplacent au grès du vent. Chercher sa route est un perpétuel enjeu de survie.

Alors oui, je préfère penser que ces touffes de verdure que les gens du désert s’efforcent de faire pousser sont de ces verts repères.

Ce retour en Europe, c’est un peu une mise au vert. Et au frais./.